Retour

La réforme du quinquennat : de la discussion juridique aux enjeux politiques

La constitution : http://www.legifrance.gouv.fr/

Les causes de la présidentialisation du régime
Proposition pour atténuer la prépondérance du président
  Affaiblissement du président
  Renforcement du controle parlementaire
Les modalités de passage
  Les modalités consitutionnelles
  Les propositions politiques
Appréciation critique de la réforme
  Les problèmes découlant de la seule réduction du mandat
    Le maintien du rôle d'arbitre
    Les problèmes du moment de l'élection
    L'influence sur le droit de dissolution (art 12)

 

 

L'article 6 de la constitution dispose que "Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Son mandat est renouvelable une fois". Or c'est cet article qu'il est aujourd'hui question de réformer pour abaisser la durée du mandat à 5 ans, réforme tant de fois discutée et tant de fois repoussée, qu'elle était devenue la tarte à la crème du droit constitutionnel français. Une première fois proposée par Pompidou, pour provoquer plus rapidement la sanction populaire, cette réforme avait été votée par les deux assemblées mais n'avait jamais été portée devant le Congrès du fait de l'improbabilité de la majorité. A nouveau le problème a surgi lors de la première cohabitation, le quinquennat étant alors vu comme un moyen d'éviter ce phénomène. Le 11 mai le débat formel vient d'être relancé par le dépôt d'une proposition de loi visant à l'instauration du quinquennat. Cette fois ci est elle la bonne , elle est en tout cas l'occasion d'une mise au point sur cette question récurrente.

Les causes de la présidentialisation du régime

La durée actuelle du mandat est issue de la pratique constitutionnelle des III et IV république ; sous la III république, le mandat permettait d'échapper aux querelles de succession monarchiques en instaurant un pouvoir présidentiel fort alors que sous la IV république , c'est l'instabilité parlementaire, les dissolutions et les changements de gouvernement fréquents et où aucune personnalité n'incarne la continuité de l' Etat qui firent souhaiter le retour d'un pouvoir présidentiel fort .C'est d'ailleurs de Gaulle qui, dans son discours de Bayeux de xxxe qui évoquera l'idée d'un pouvoir présidentiel indépendant du parlement .La théorie du parlementarisme rationalisé participe d'ailleurs de la même idée.

La réforme de 1962 qui fit passer l'élection du président par un collège d'électeur élargi à un suffrage universel direct viendra confirmer l'inflexion de la constitution en faveur du président . De plus , le fait majoritaire , c'est à dire le fait que le président et l'assemblée et donc le gouvernement appartiennent à la même majorité politique accentuera encore le phénomène de présidentialisation du régime

Enfin, un fait plus actuel a encore accru celle ci : il s'agit le développement de la communauté européenne. Le président siège en effet au sien du conseil européen et dirige don la politique communautaire de la France par son secrétariat général. Il participe ainsi – même en cohabitation – à la législation communautaire, laquelle dans certains domaines a quasiment remplacé la législation nationale.

Les propositions pour atténuer la présidentialisation du régime

Affaiblissement du pouvoir présidentiel

la réduction de la durée du mandat (Lionel Jospin et balladur ) est un thème récurrent mais la réforme n'a jamais abouti faute de réelle volonté politique. La réduction de la durée du mandat, outre le but d'aligner la durée du mandat sur les autres démocraties européennes mais il avait aussi été exposé ( Juppé ) que la réduction du mandat est nécessaire pour faire face à une société médiatique, à une accélération du temps mais cela signifierait surtout aligner la durée du mandat présidentiel sur celui du mandat parlementaire et donc de donner au président la même légitimité qu'au parlement. Il serait comme lui élu pour ses idées moins que pour la personnalité qu'il incarne.

En effet, telle qu'elle se présente aujourd'hui, l'élection présidentielle est celle d'un homme d'un parti certes mais celle d'un homme avant tout. Cette force donna à François Mitterrand la légitimité de s'opposer à son premier ministre Chirac et alors qu'il s'agissait d'une cohabitation c'est à dire d'une période où la souveraineté populaire a choisi le plus récemment une force politique opposée à celle du président. L'opinion exprimée le plus récemment devrait prévaloir mais la personnalité de l'homme échappe à ce clivage politique et permet le refus de la signature d'ordonnance, signature indispensable selon la constitution ce qui revient faire obstacle à la réalisation par ses représentants de la volonté populaire comme le prône l'article 3 de la constitution.

En revanche , la majorité parlementaire incarne la politique choisie par les citoyens, elle ne dispose pas du pouvoir de cet homme seul et ne peut donc que se plier aux choix de la souveraineté populaire. Si on est en période de fait majoritaire , c'est devant le président et le ministre qu'elle ne peut que se plier, la motion de censure étant rendue improbable par l'exercice aisé de la dissolution, non limité comme pendant les deux républiques différentes. En cohabitation , celle ci est impensable dans la mesure où le parlement est le seul appui du gouvernement contre le président.

L'élection simultanée du président et du parlement permettrait de donner au président la même légitimité qu'au parlement dans la mesure où les citoyens quand ils seront confrontés au choix de ces deux organes seront logiquement amenés à choisir une politique c'est à dire de choisir la majorité parlementaire et d'en déduire le nom du président . Supposons que la logique soit le contraire cad que l'on élise un homme , on choisira nécessairement la majorité parlementaire qui lui donnera les moyens d'agir ne toute liberté et donc le choix de l'homme sera associé de la même façon aux choix d'une politique.

L'élection simultanée des deux organes permettrait aussi de rapprocher dans les intervalles de la sanction populaire qu'est le vote, seule sanction à l'exercice du mandat présidentiel.

Toutefois, pour éviter qu'il n' y ait un décalage entre les deux élections , il faudrait supprimer le droit de dissolution (art 12). Cette suppression n'aurait alors que peu d'impact dans la mesure où elle est utilisée dans la pratique de la 5 république pour trouver précisément une majorité de soutien au président ( en 1981 et 1988) ou pour s'assurer de la pérennité de cette majorité jusqu' à la réélection ( 1997) , ces deux raisons n'auraient en effet plus lieu d'être . Toutefois , ce raisonnement vaut si l'on ne retient que ces motifs de dissolution , les précédentes républiques ont effet montré que la dissolution est la réponse de la motion de censure, le parlement peut renverser le gouvernement et l'exécutif peut dissoudre le parlement. la motion de censure est en général posée en cas de dislocation d'une coalition parlementaire. Le phénomène de coalition du fait du regroupement des voix au profit de deux pole droite/gauche s'est atténué. Amis qu'en sera t-il en vas du retour de l'éparpillement des voix ; la suppression du droit de dissolution aboutirait à déséquilibrer le régime en faveur du parlement. L'actuelle majorité plurielle mais aussi les batailles au sien de la droite pourraient d'ailleurs faire craindre le retour du phénomène.

Il faudrait aussi, toujours pour éviter un décalage temporel, nommer un vice président

Deuxième solution , au lieu d'affaiblir un pouvoir ,pourquoi ,e pas renforcer le contre pouvoir c'est à dire le parlement ?

Renforcement du contrôle parlementaire

la révision de 1993 permet au parlement de se prononcer avant l'adoption d'une directive ou d'un règlement

Monsieur Chirac propose d'aller plus loin mais cela risque de soumettre la politique européenne aux aléas des alliances partisanes

Pendant son deuxième mandat de mitterand , on avait proposé de rendre obligatoire l' engagement de la responsabilité du gouvernement avant chaque réunion du conseil européen ce qui aurait allié le parlement et donc le peuple au pouvoir européen

Les nominations quasi discrétionnaire du président énuméré à l'art 13 pourrait être soumises au contrôle parlementaire , ce qui évite les suspicions de nominations d'amitié

Le parlement dispose du contrôle de la politique par le vote de la loi de finance qui est essentielle pour rendre effective toute action politique . L'utilisation du contrôle sur pièce et sur place prévu par les textes au profit des rapporteurs budgétaires représenterait un moyen de contrôle effectif sur la politique générale de l'exécutif.

La mission de contrôle du parlement à travers ses commissions d'enquête pourrait être développé ne accordant un budget plus important aux commissions d'enquête de l'assemblée.

La minorité devrait avoir la possibilité de composer une commission d'enquête. En effet , et en vertu de la pratique seulement , si chaque groupe parlementaire peut proposer la création d'une commission d'enquête une fois par an , c'est à la majorité qu'il revient de décider la création de celles ci.

Enfin , le contrôle parlementaire se trouverait renforcé par la suppression le cumul des mandats, ce qui donnerait de plus grand moyen matériel aux parlementaires

Modalités du passage de l'un à l'autre

les modalités constitutionnelles

l'initiative

L'initiative de la révision appartient au parlement ou au président sur proposition du 1er ministre

les modalités de ratification

l'article 89 de la constitution prévoit que si le texte portant révision constitutionnelle est un projet de loi

cad déposé par le gouvernement , celui doit être ou ratifié par référendum ou par le congrès et ce, après avoir été coté en terme identique entre les deux assemblées. Le congrès approuve la révision à la majorité des 3/5.

En revanche la proposition de révision doit ne peut être que ratifiée par référendum et non par le congrès

Ici une proposition de loi a été déposée par Valérie Giscard d'Estaing et un projet de loi a été voté par le groupe socialiste. 

Il semble que le projet de loi sera favorisé dans la mesure où le gouvernement détient la maîtrise de l'ordre du jour ( art 48) et dans la mesure où il permettra aux deux têtes de l'exécutif de réclamer la tête du projet . Dans la mesure où ces eux personnes se sont d'ailleurs prononcées en faveur de la révision , l'hypothèse d'un conflit de cohabitation est à écarter .
cependant comme tout projet de loi il devra passer par le conseil des ministres et le Conseil d' Etat , la proposition de loi pourrait donc amener une procédure plus rapide d'autant plus que le gouvernement peut user même à l'égard d'une proposition de loi les divers outils de contrôle du processus législatif

les propositions politiques

L 'enjeu quant à la modalité de la réforme est avant tout d'ordre politique puisque s'instaure une lutte pour la paternité de cette réforme populaire

Bayrou comme Juppé pensent qu'un référendum serait nécessaire mais la question de savoir si cela entraînerait une élection présidentielle anticipée reste en suspens . politiquement , Chirac pourra repousser la date de la ratification par référendum, la pratique sous pompidou ayant montré que aucun délai n'est à respecter entre l'adoption du projet par le parlement et la mise au référendum

Ainsi, Chirac ne veut en aucun cas laisser le parlement voter une référendum qui touche à ses fonctions alors la révision de la Constitution est faite au nom du président mais dans la mesure où celui ci agit sur proposition du premier ministre , ce dernier recueille aussi la gloire de la réforme . C'est ce qu' a compris Hollande qui s'est prononcé en faveur de la transformation de la proposition de loi en projet de loi

Appréciation critique de la réforme

Les problèmes posées par la simple réduction du mandat présidentiel

Maintien ou non du rôle d'arbitre ?

Certains spécialistes se prononcent en faveur du septennat non renouvelable et non du quinquennat renouvelable ( en l'état actuel du droit, le président est indéfiniment rééligible) . En effet , ne pas modifier la rééligibilité du mandat tout en le diminuant c'est affaiblir le président au point de rendre son mandat ineffectif . Le possibilité de réélection fait qu'environ la moitié du mandat est consacrée à la préparation des élections , les réformes impopulaires mais pourtant indispensables ne seront donc pas prise pendant cette période. Sur 7 ans , c'est 3 ans et demi qui sont sacrifiés au nom de la réélection mais sur 5 ans , c'est deux ans et demi seulement qui se sont effectifs , réduire le mandat , c'est donc aussi dans les conditions de la réforme réduire le temps utile de la présidence.
Le temps entre deux élections étants plus court , il sera de plus tenté tout au long de son mandat de ne prendre que des décisions favorables à sa réélection , ce qui est au contraire à son rôle d'arbitre que lui confère l'article 5. En effet, donner au président la même légitimité que l'assemblée, c'est à dire faire de l'élection présidentielle une élection sur des idées , c'est aussi faire rentrer le hait personnage dans les méandre du débat partisan , la seule solution pour lui conserver son rôle d'arbitre est d'interdire sa réélection comme l'avait d'ailleurs prôné en 1993 le comité Vedel.

Le problème du moment de l'élection

Nous l'avons déjà évoqué , il est plausible que lors de l'élection de l'assemblée nationale et du président une même majorité prenne le pouvoir dans les deux organes. Mais supposons que le contraire se produise ou d'une façon plus probable qu'une nuance de tendance se dégage, il y aurait à nouveau cohabitation mais à l'inverse des cas passés, la sanction populaire aura été simultanée , aucun des organes n'aura une légitimité plus grande et il est à prévoir que au vu des pouvoirs que la constitution accorde au président c'est celui là qui prendra l'avantage . Il dispose en effet de pouvoir de signature des actes passés au conseil des ministres c'est à dire les ordonnances mais aussi les nominations des grands fonctionnaires de l' Etat. Il décide du mode de ratification d'une révision constitutionnelle s'il s'agit d'un projet de loi , le quel lui étant proposé par le premier ministre , il est en droit de refuser. De même , il peut refuser la convocation de l'assemblée en séance extraordinaire , ce qui aboutit à ralentir le processus législatif . De même , il dispose de l'article 11 qui lui permet de refuser au gouvernement sa proposition de référendum .

 

L'influence sur le droit de dissolution

Dans l'hypothèse où l'on retienne une élection simultanée des deux organes, il faudrait supprimer le droit de dissolution pour ne pas revenir à une situation de cohabitation mais supprimer le droit de dissolution en conservant la motion de censure c'est faire du président qui ,en vertu de l'article 8, nomme le 1er ministre et sur proposition de celui ci le gouvernement , une marionnette qui sera condamnée à obéir aux alliances de coalition de l'assemblée sans jamais pouvoir répondre par la dissolution , c'est donc le risque de retrouver l'instabilité des deux régimes précédents qui est en cause.